La Silicon Valley fera t elle des petits…?

Posted on 20 avril 2012

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Quels sont les exemples de issus de la Silicon Valley qui ont réussi? A ce niveau d’efficacité économique, il n’y en a pas. Par contre, quels sont les pistes de développement d’un écosystème entrepreneurial performant? Les exemples de communauté entrepreneuriale reposant sur des outils et concentrations territoriales émergent. Une voie différenciante dans l’attractivité entrepreneuriale.

Innovation et valorisation de la recherche
Ecosystèmes entrepreneuriaux : faut-il arrêter d’essayer de copier la Silicon Valley ?

http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/69829.htm
C’est un fait : la Silicon Valley est l’écosystème entrepreneurial le plus dynamique du monde. Les études menées année après année le confirment, peu importe les critères choisis [1]. Cette petite partie de la Californie attire près de 45% des capitaux privés liés à l’entrepreneuriat (soit environ 20 milliards). Les entreprises à succès Facebook, Google et Linkedin sont nées dans la vallée avant de s’y développer. Et l’histoire n’est pas terminée puisque la région continue d’agir comme un aimant irrésistible pour les entrepreneurs américains, mais également pour ceux du reste du monde.

Du coup les pouvoirs publics et les décideurs de la planète n’ont de cesse de vouloir prendre comme modèle ce microcosme Californien à la réussite insolente. Problème : jusqu’à présent, personne n’a réussi à « dupliquer » l’environnement Californien, pas plus qu’un concurrent n’a pu reproduire la fameuse formule du Coca Cola qui va de pair avec un modèle d’affaires très au point.

Un modèle unique et non-duplicable

Le modèle Californien a pourtant été étudié et s’appuie sur des caractéristiques identifiables, dont les plus importantes sont :
– Des entreprises à succès, qui agissent comme modèles, dynamisent la recherche scientifique et soutiennent l’entrepreneuriat local grâce à des initiatives spécifiques,
– Une recherche de pointe, grâce à des institutions de haut niveau (Stanford, Berkeley, etc.) qui alimente l’innovation grâce à la valorisation de la recherche,
– La présence d’un vivier d’investisseurs privés parmi les plus denses au monde, qui sont parfaitement intégrés dans les réseaux entrepreneuriaux, facilitant la détection de projets et l’accès des entrepreneurs à des fonds de financement,
– Un réseau de talents particulièrement bien maillé, qui interagit en permanence, génère des idées et collabore, ce qui accélère grandement les développements des entreprises locales. La plupart de ces professionnels ne sont pas originaires de la région, mais sont attirés par capillarité, ce qui produit un renouvellement constant des talents présents, et donc des idées.
– Une culture de l’entrepreneuriat unique, et un taux de création de startups 3 ou 4 fois supérieur aux régions concurrentes.

Bien que la plupart de ces caractéristiques soient « transférables », recréer la culture locale semble une tâche impossible, voire sans doute également peu souhaitable. Cela n’empêche pourtant pas d’autres écosystèmes, aussi bien aux Etats-Unis (Boston, New York, etc.) que dans le reste du monde (Londres, Toronto, Tel Aviv, Berlin, Paris, etc.) de favoriser l’éclosion d’une dynamique entrepreneuriale locale qui leur est propre, et qui se différencie nettement de celle de la Silicon Valley. Quels sont donc les ingrédients qui caractérisent ces zones dynamiques, et comment ont-elles pu trouver un modèle efficace mais qui se différencie de la Silicon Valley ?

Chaque écosystème doit s’appuyer sur des forces locales

Une étude approfondie réalisée auprès de près de 20.000 startups technologiques reparties dans le monde entier a été menée par la société « Startup Genome » [1]. Certes, il en ressort un classement surprenant qui place Londres, New York City et Toronto juste derrière la Silicon Valley mais aussi des caractéristiques radicalement différentes entre ces écosystèmes :
– Alors que la plupart des entrepreneurs de la SV souhaite aborder de nouveaux marchés, de plusieurs milliards de dollars, les entrepreneurs européens, spécialement Londres, préfèrent des marchés un peu plus matures, capables d’être conquis rapidement, pour faciliter les possibilités de revente rapide, d’où une grande disparité dans les entreprises créées.
– Les entreprises de la Silicon Valley s’orientent deux fois plus souvent que leurs homologues New Yorkais vers la création de jeux en ligne ou de médias sociaux, alors que les entrepreneurs New Yorkais sont très en avance sur les startups liées au design ou au commerce électronique.
– Alors que dans la Silicon Valley les équipes fondatrices ont essentiellement un profil technique, l’Europe favorise nettement la création d’entreprises par des entrepreneurs ayant un parcours en administration des affaires. [2]

Ce constat démontre avant tout que les écosystèmes à succès ont su s’appuyer sur leurs forces culturelles et sur les points forts des régions dans lesquelles ils sont implantés, avant de transmettre cette inclination aux jeunes entreprises créées. C’est le principal enseignement de l’étude « Startup Genome », qui suggère au final que la duplication du modèle Californien serait une erreur stratégique. La clé de la réussite et du dynamisme entrepreneurial réside donc dans la différenciation des écosystèmes les uns par rapport aux autres.

Il est évident que l’impact d’un Facebook, dont la prochaine entrée en bourse devrait rapporter beaucoup d’argent aux investisseurs (capitalisation proche des 100 milliards). Ces derniers vont ensuite pouvoir en réinvestir une partie importante dans de nouvelles entreprises principalement locales. Cependant, Facebook aurait-il pu se développer en dehors de la Silicon Valley ? Son fondateur, Marc Zuckerberg, a affirmé plusieurs fois le contraire, notamment lors de sa dernière visite à Boston.

C’est en choisissant de s’appuyer sur des centres de recherche de pointe et une grande qualité de main d’oeuvre dans la conception et le design que la région du « Research Triangle Park » située en Caroline du Nord est devenue l’hôte d’entreprises telles qu’IBM, Lexus ou Lenovo. La région abrite également une communauté très dynamique de développeurs dans des domaines variés, des produits les plus concrets jusqu’aux applications mobiles. On observe que de plus en plus de startups à succès, telles qu’Airbnb, viennent plutôt recruter des collaborateurs dans cette région qu’au sein de la Silicon Valley. Les coûts de main d’oeuvre et les frais de vie y sont en effet bien inférieurs, et surtout, la compétition bien moins grande pour s’associer les services des meilleurs talents ! C’est tout à l’avantage de la région, qui, comme d’autres écosystèmes aux Etats-Unis, tente de pallier le départ de ses ressources vers la Californie. [2]

C’est le même constat qu’a fait Mike Lee, ancien co-fondateur de « Tapulous », qui a créé un grand nombre de jeux à succès sur iPhone. Découragé par le coût de la vie prohibitif dans la Silicon Valley et malgré les opportunités professionnelles que la région offre, Mike s’est mis à la recherche d’un lieu idéal pour développer une communauté entrepreneuriale spécialisée dans le développement informatique. Et son choix s’est fixé sur…Amsterdam (Pays-Bas). Au-delà de la présence de talents locaux, dont le potentiel est sous estimé faute d’interconnexions et d’histoire à succès, Mike Lee a immédiatement compris que la force de ces entrepreneurs résidait dans deux principaux facteurs :
– La qualité de vie offerte par la capitale économique des Pays-Bas ainsi que des règles d’immigration simples,
– Tendance européenne oblige, l’insistance est davantage mise sur la valeur intrinsèque de la société plutôt que sur la valeur économique créée par les entreprises et le retour sur investissement.

Cette situation a amené notre entrepreneur à créer « Appsterdam », un hôtel pour entrepreneurs spécialisés dans le développement. L’endroit attire désormais un nombre croissant créateurs, hollandais comme étrangers en plus de participer à la création d’un véritable écosystème dans la ville hollandaise.

Ce sont ces deux exemples qui doivent constituer des sources d’inspiration pour la création et le développement d’écosystèmes entrepreneuriaux dynamiques. Comme l’anticipent certains experts, le modèle de la Silicon Valley n’est pas nécessairement le mieux adapté aux changements sociétaux futurs. Umair Haque, directeur de l’agence « Havas Media Labs » et expert du développement économique, pointe ainsi du doigt la tendance très marquée, dans la Silicon Valley, à créer et financer des entreprises qui maximisent la valeur économique, les revenus ou les profits, sans véritablement générer de bénéfice humain, sociétal ou environnemental (qui a dit Groupon ?). Or, selon lui, ces dimensions interviennent dans les choix d’installation et participent aux grands défis économiques de demain : les entreprises qui sauront y répondre seront sans doute un jour celles qui peuvent espérer une forme de croissance plus soutenue et durable.

Possédant des forces considérables dans la plupart des industries (technologies propres, sciences de la santé, internet, industrie musicale, etc.), pas seulement dans le web et l’IT, et une capacité d’évolution considérable, la Silicon Valley saura sûrement s’adapter à ces nouveaux modèles de croissance en temps voulu. Qu’en sera-t-il des autres écosystèmes ? Affaire à suivre !

[1] L’étude prend en compte plus de 20 critères différents. Quelques exemples : nombre de startups crées, taux de succès, types de produits créés, marchés visés, composition des équipes, chiffre d’affaire..

[2] Cette remarque s’applique en considérant l’ensemble des entreprises créées dans ces écosystèmes. Si on ne prend en compte que les entreprises technologiques, la proportion de fondateurs ayant un profil scientifique est cette fois dominante.

Origine :
BE Etats-Unis numéro 287 (20/04/2012) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/69829.htm